Créer pourrait être un jeu d’enfant à l’en croire les deux artistes Isabelle Ferreira et Wilson Trouvé dont les œuvres seront présentées du 17 au 23 juin 2011 au 3, le loft d’un couple de collectionneurs Fabrice et Isabelle de Pontfrache (3 rue Duphot 75001). Tous deux envisagent la sculpture comme une forme de peinture délivrée de son rapport historique à l’image. De fait depuis les années 60, la couleur n’a plus de raison d’être que formelle. Elle ne poursuit aucune fin émotive, aucune quête métaphysique. Elle est ce qui demeure de la peinture une fois que le sujet et la figure aient été bannis. Ce projet d’exposition prend donc le parti de présenter la création contemporaine sous l’angle de la chromophilie, à l’origine de quantités de combinaisons possibles. Les œuvres d’Isabelle Ferreira et de Wilson Trouvé exploitent le potentiel de la « couleur-matière » ou encore de la « couleur toute faite ». Le geste pictural simplifié fait la part belle à la déconstruction du support traditionnel, à un décentrement du regard, à un dialogue avec l’environnement, l’architecture, et à la remise en question du statut de l’œuvre d’art. Les titres des œuvres de cette exposition (« Milky way » de Wilson Trouvé ou « J’aurais plutôt fait comme ça» de Isabelle Ferreira) expriment d’eux-mêmes le désir de donner à voir non pas une nouvelle image, mais une image de peinture, déchargée et guérie de ses symboliques qui l’étouffaient.
Isabelle Ferreira née en 1972
Profitant de l’élargissement des champs et des pratiques artistiques, Isabelle Ferreira propose une expérimentation de la couleur dans l’espace. L’artiste utilise la brique, un matériau de construction humble sur lequel elle pose la couleur en aplat pour offrir une scansion spatiale où les notes colorées s’organisent selon une grille. Comme chez Piet Mondrian, le simple usage de la couleur crée à la fois la tension et l’équilibre de ses sculptures. A la rigueur minimaliste, Isabelle Ferreira oppose la justesse de sa palette composée de couleurs vives (« palanque »), son approche ténue (« candles »), voire mélancolique avec des pièces désactivées (« Vegas »).
Wilson Trouvé né en 1980
Les œuvres de Wilson Trouvé se jouent des brillances, des matités, des patines des objets manufacturés ou des matériaux incongrus comme la colle thermofusible. Il rejoint la pensée de l’artiste minimaliste américain Donald Judd pour qui « la couleur comme la matière est ce dont l’art est fait. Elle n’est pas de l’art à elle seule (…). Il n’y a pas de couleurs pures, à l’exception de l’art du spectre. Elle n’existe que sur une surface texturée ou non, ou située sur une surface transparente ». Ses résilles, ses dégoulinures (« Black canvas ») ou encore les éclaboussures de colle (« Dear Eva ») revisitent l’informe formulé par Georges Bataille avec un brin d’ironie. Comme si ces œuvres qui opèrent une collusion entre peinture gestuelle et peinture minimaliste, étaient le fruit d’une désinvolture feinte.