Déjà en 1983, Joseph Beuys prédisait dans un assemblage de poutres éparpillées au sol la fin du 20ème siècle. Que restera-t-il de notre civilisation ? Que préserver et sur quels critères ? Ce sont là quelques questions soulevées par les artistes contemporains qui n’ont jamais autant investi ce rapport à l’histoire et à sa falsification. Alors même que les premiers évènements culturels entièrement constitués de fausses œuvres d’art (exposition « Toutankhamon, ses trésors, son tombeau ») voient le jour, quelle considération a-t-on désormais pour le musée qui fut tout au long du 19ème et du 20ème siècle, un sanctuaire de l’authenticité ? En bon indicateur, le marché valorise aujourd’hui les œuvres contemporaines rutilantes sortant des ateliers en grand nombre aux dépens de pièces vieilles de plusieurs milliers d’années, témoins majeurs de la civilisation. Exploitant ce paradoxe, l’exposition mêle dans une même scénographie des œuvres authentiques à des pièces factices. Elle est, à ce titre, une véritable hérésie pour les conservateurs. Ces derniers préfèrent en effet concevoir des expositions entièrement élaborées à partir de répliques plutôt que de combiner les deux, au risque de créer davantage de confusions ; à force d’être faux, les répliques deviennent vraies au contact d’œuvres originales.
L’exposition « L’archéologie, un mythe contemporain » pose la question de notre angoisse face à l’effacement, à la perte de repères historiques, à la méconnaissance de l’histoire des civilisations. Dans une société dominée par une actualité foisonnante qui oblitère un à un les évènements, et concourt chaque jour un peu plus à une forme d’amnésie collective, les artistes s’emploient à donner à leur œuvre l’épaisseur du passé en jouant sur l’ambiguïté du faux/authentique. Pour cela, ils empruntent aux archéologues les approches et techniques de fouilles afin d’offrir une réalité fragmentée, porteuse de tous les fantasmes.
Sur le modèle d’Anne et Patrick Poirier, les artistes réveillent des formes inspirées des vieilles cités antiques ou s’emploient à donner à leur œuvre l’épaisseur du passé. Pour beaucoup, l’acculturation et l’approximation cognitive servent de moteurs à la création.
Selon Lévi-Strauss, les civilisations premières ont beaucoup plus de facilités à imaginer le monde qu’à l’analyser. Les sociétés modernes ont le problème inverse. L’approche anthropologique traduit cette difficulté. Ce sont autant d’éléments collectés, orphelins du temps présent. Les œuvres de l’exposition s’apparentent à des choses mortes, dont le sens échapperait à ses contemporains, même si elles semblent prêtes à jouer à un rôle nouveau.